Vente aux enchères d'art contemporain chinois, Hôtel de l'industrie le 07.12 à 19h
Une très belle femme blonde expert en art contemporain et parlant chinois ? Ouvretesyeux a trouvé la perle rare, Pia Copper, dans le superbe Hôtel de l’Industrie place Saint-Germain-des-Près en plein montage de l’exposition préparant la vente aux enchères du 7 décembre à 19h. Dans la vidéo ci-dessous, elle dévoile sa passion et le but de la vente.
A l’occasion d’une vente orchestrée par Eve Auction, huit chaises issues de la performance « Fairytale » d’Ai Weiwei à la Documenta de Cassel en 2007, investissent l’Hôtel de l’Industrie, place Saint-Germain-des-Prés. Un visa pour la Chine, incarnée par une scène artistique dissidente et consacrée. Une invitation à prendre place autour de quelque 170 œuvres, parmi lesquelles un ensemble de 50 photographies provenant de la Collection Bertrand Cheuvreux, vendu au profit de la création d’un Prix de la jeune photographie chinoise.
RARE ENSEMBLE SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS: HUIT CHAISES ISSUES DE LA PERFORMANCE « FAIRYTALE » D’AI WEIWEI
Retour sur images. 2007. Plus de 3 000 chinois de tout horizon social répondent depuis les quatre coins du pays à l’appel à candidatures lancé par Ai Weiwei via son blog, pour participer à sa performance à la Documenta de Cassel. Une centaine de questions sont soumises aux candidats : « Que voudriez-vous dire à l’Occident ? » ou encore « Pourquoi aimeriez-vous participer à cet événement ? ». 1001 d’entre eux sont recrutés par l’artiste, qui obtient 1001 visas et réunit 1001 chaises des époques Ming et Qing, pour littéralement asseoir à Cassel la Chine d’aujourd’hui sur celle d’hier.
Véritable tour de force administratif et logistique, œuvre la plus chère de la Documenta 2007 – plus de 4 millions de dollars – la performance fait date. Sous le titre « Fairytale », le rêve d’évasion de 1001 chinois se réalise. Orient et Occident se rencontrent au pays des frères Grimm, sinon dans un conte des « Mille et une nuits » très contemporain, dans une œuvre subversive, conçue, selon le mot de l’artiste, comme un « ready made sociopolitique ». « Fairytale » dénonce à la fois l’entreprise liberticide d’un pouvoir chinois refusant de faire place à l’individu et la peur occidentale d’une invasion chinoise.
A posteriori de la performance « Fairytale », la chaise restera emblématique du combat d’Ai Weiwei et de ses défenseurs pour la liberté. Lors de l’incarcération de l’artiste en 2011, un vaste mouvement, « 1001 chairs for Ai Weiwei », est lancé sur les réseaux sociaux : les sit-in réunissent à travers le monde des milliers de chaises contestataires. En 2013, privé de sortie du territoire, Ai Weiwei, alors membre du jury du festival suédois de cinéma, envoie à Stockholm une chaise vide, modèle original inspiré du style de l’époque Ming, assorti d’une canne courbée empêchant de s’y asseoir …
Uniques et numérotées par l’artiste, les huit chaises issues de la performance « Fairytale » aujourd’hui présentées, comptent parmi les très rares témoignages de cette performance en France.
Chaque Fairytale chair est estimée 10 000-12 000 euros.
Ai Weiwei, Fairytale Chairs (L/R-130) 2007 – Chaise en bois, Dynastie Qing Est. : 10 000-12 000 € (lot 92)
LA COLLECTION BERTRAND CHEUVREUX, VERITABLE CONDENSÉ DE L’HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE CONTEMPORAINE CHINOISE
Passionné d’art contemporain chinois, Bertrand Cheuvreux (1953-2008) multiplie dans les années 80 les voyages en Chine à la rencontre des artistes émergents. Les liens d’amitiés qui se tissent scellent un engagement bientôt total pour la reconnaissance de cette scène en Europe. Au début des années 2000, il ouvre dans le quartier gothique de Barcelone les galeries Dart et Loft, puis l’espace culturel Off Ample – des lieux de passages et de partages artistiques, culturels, humains tout simplement, jusqu’auxquels des artistes chinois feront le déplacement. En 2007, il crée la Fondation Privée pour le Développement de l’Art Contemporain (FDAC) afin d’apporter une autre dimension à son engagement en faveur de l’art contemporain chinois.
En 2008, Bertrand Cheuvreux disparaît à l’âge de 55 ans. Son ambition demeure à travers sa Fondation : soutenir l’art contemporain chinois et le rendre accessible au public européen.
A l’image de l’action de Bertrand Cheuvreux, sa collection personnelle, véritable condensé de l’Histoire de la photographie chinoise contemporaine, nous offre de progresser dans sa compréhension.
Le produit de la vente de la Collection Bertrand Cheuvreux servira à financer, à travers la Fondation pour le Développement de l’Art Contemporain (FDAC), la création d’un Prix de la Jeune Photographie Contemporaine Chinoise
À l’heure où le marché de l’art contemporain chinois est surtout monopolisé en Europe par les têtes d’affiches internationales et laisse peu de place aux nouveaux venus, ce Prix est destiné à inverser la tendance. Si les quelque 50 photographies provenant de la Collection Bertrand Cheuvreux aujourd’hui réunies égrainent les grands noms, le Prix de la Jeune Photographie Contemporaine Chinoise se tourne vers les créateurs de demain.
A travers cette vente, le succès des aînés servira ainsi à faire émerger de jeunes talents.
Histoire de la photographie contemporaine chinoise, et notamment l’Histoire de la performance en Chine, est encore mal connue en Occident. La Collection Bertrand Cheuvreux enrichit notre regard et révèle des aspects historiques de ces registres essentiels de l’art contemporain chinois.
Plusieurs performances témoignent de la complicité de Bertrand Cheuvreux et des artistes : une série inédite de l’artiste Cang Xin, « Identity Exchange », montre une performance réalisée à Barcelone, à la galerie Loft, où il échange son identité, son « samsara » avec celui des habitants de la cité catalane.
La galerie Loft a également permis la performance iconique de Cang Xin intitulée « Trampling Faces », où l’artiste piétine des masques de son visage, ainsi que celle de He Yunchang, « Casting », étrange et puissante représentation de la relation entre l’artiste et son œuvre.
Fil conducteur de la Collection Bertrand Cheuvreux, la performance apparaît comme une composante essentielle de la photographie contemporaine chinoise. Des premières images de l’East Village par Rong Rong, aux clichés des performances destroy de He Yunchang, des « Identity Exchange » de Cang Xin à la série féministe révolutionnaire de Chen Lingyang, « Twelve Flowers Months », la Collection Bertrand Cheuvreux nous invite à l’instar de Li Wei, représenté par un saut spectaculaire,
Au fil de la collection, se découvrent aussi la force des images de Dai Guangyu, qui se met en scène dans un lac en Allemagne, noyé dans un bain d’encre, ou encore celle des photos de Han Bing utilisant son corps comme rempart contre les bulldozers durant la démolition du vieux Pékin…
LA COLLECTION BERTRAND CHEUVREUX : DE L’EAST-VILLAGE A DASHANZI East Village
En 1993, un groupe d’artistes élit résidence dans la banlieue Est de Pékin : Ma Liuming, Rong Rong, Zhang Huan, Cang Xin, Ai Weiwei et Ju Ming sont parmi ceux qui forment le groupe qu’ils appellent l’East Village (Běijīng Dōng Cūn), en référence à l’East Village de New-York. Ce groupe se caractérise par un usage de la performance transgressive, toujours accompagné de nudité.
« Twelve Square Meters » est un autre acte de révolte, interprété en 1994 par Zhang Huan. Il consiste en un supplice auquel s’assujettit l’artiste assis dans une latrine abjecte de l’East-Village. Ce qui se passe ici est juste impensable. Laisse-moi te dire pourquoi. Nous organisions un projet de performance. Zhang choisit de la réaliser dans les toilettes publiques du Village (les plus sales et puantes du monde). Voici ce qu’il allait faire : Il se placerait au milieu des cabinets, nu, avec une substance fétide et du miel sur le corps. Ce qui allait attirer un essaim innombrable de mouches sur son corps. Il resterait assis une heure durant. »
Et de poursuivre : « Quand Zhang eut terminé il marcha dans le petit étang derrière les toilettes. Plein de mouches mortes flottaient sur l’eau, ondulant légèrement avec les vagues circulaires autour du corps rigide de Zhang. Il nomma la performance « 12 Square Meters » [12 mètres carrés] ce qui est bien sur la taille des toilettes publiques. Il disait que l’aspect sordide des toilettes et l’armée de mouches qui l’habitait lui avait donné l’inspiration. »
La performance de Zhang Huan est un momentum dans l’Histoire de l’art chinois. Elle symbolise la marginalité des artistes de son époque et leur volonté de se détacher du marché de l’art, duquel ils étaient de fait exclus. Les photographies qui résultent de cette performance sont intemporelles, reprenant des mythes universels : la méditation d’un Bouddha, le supplice d’un titan, l’eau primordiale, voire le baptême. Elles sont magnifiées par le grain de tirages argentiques et un fort contraste de noir et blanc.
Rong Rong, « 12 Square Meters, East Village », 199, C-print signé en pinyin et en chinois en bas à droite, titré « East Village » et numéroté « 6/10, Est. : 8 000-10 000 euros (lot 11)
2. « Communication » (1996-2006), « Identity Exchange » (2000-2003)
Ces quatre séries de Cang Xin (né en 1967 dans le Heilongjiang) interrogent notamment les notions de culture et de nature. En entrant en « communication » avec des objets et des monuments traditionnels, comme le ferait un chamane, il entre en discussion avec l’univers.
Artiste des plus réservés de l’East Village, fraîchement débarqué de sa Mongolie natale dans la capitale impériale, Cang Xin n’arrivait pas à communiquer avec les autres artistes. La série « Communication » (1996-2006) est une forme de psychanalyse et de retour aux sources taoïstes. Dans cette série, l’artiste se met à plat ventre et touche du bout de la langue le sol de monuments célèbres, ou des objets symboliques de la culture chinoise. Ces images expriment une certaine vulnérabilité : c’est avec sa langue, l’organe le plus intime qui soit, qu’il se met en contact avec l’espace public. Il apparaît ainsi comme prosterné ou offert en sacrifice. Sur ces photographies, il se place de face dans une composition parfaitement symétrique, qui rehausse la rigidité architecturale environnante (notamment celle de la Citée interdite).
La série « Identity Exchange » (2000-2003) s’intéresse à l’idée de transfert d’identité, en empruntant les vêtements de différents types humains (du serveur au militaire, en passant par l’hôtesse de bar ou la mariée occidentale). Cang Xin s’essaie ainsi à d’autres destins. Cette série est une extension de « Communication », dans sa réflexion sur la destinée humaine et son lien avec le cosmos.
« Man and Sky As One » (2002-2004), est une série de mises en scène empreintes de paganisme dans laquelle hommes et femmes (et parfois l’artiste lui-même) apparaissent dépouillés de leurs attributs culturels dans des cadres naturels. Dans une quête spirituelle teintée de chamanisme, Cang Xin nous donne à voir, commente Marion Bertagna « l’homme dénué de toute appartenance sociale et réduit à sa plus simple humanité ».
La série « Introject » (2004-2005), explore la psyché de la Chine contemporaine à la lumière du concept psychanalytique d’introjection – concept apparu dans les années 10 pour décrire un processus de transposition, sur un mode fantasmatique, des objets extérieurs et leur qualité inhérente dans les diverses instances de l’appareil psychique…
Cang Xin, série « Identity Exchange », C-print sur DIASEC signé en bas à droite en chinois et en pinyin et numéroté 8/10, 85 x 105 cm, 3 500-5 000 euro (lot 95)
Li Wei est un des artistes phares de Dashanzi. Né en 1970, il grandit dans une petite ville le long du Yangtzé. Il intègre ensuite une académie militaire. L’année des événements de Tiananmen, il décide d’intégrer les Beaux-Arts de Changsha puis en 1993, ceux de Pékin. Il commence à faire des performances en 1996, dont certaines iconiques montrent un grand poing levé qui sort d’un immeuble de Dashanzi, suivi de plusieurs performances avec sa muse et femme, et son bébé, ou des performances acrobatiques où il est soulevé par des câbles dans les airs. Il ressemble alors à une sorte de super héro dans ce paysage glauque de la capitale. Il est ensuite invité à la Biennale de Venise, en Australie, à Paris … Il prend de plus en plus de hauteur, s’envolant au dessus de la Tour Eiffel et du plafond du Grand Palais !
2. La série « Twelve Flowers Months », 1999-2000 de Chen Lingyang
Diplômée de la China Academy of Arts (Hangzhou) et de la Central Academy of Fine Arts (CAFA, Pékin), Chen Lingyang (née en 1975 à Yuwu – Zhejiang) est une des artistes les plus prometteuses de sa génération. Elle travaille sur les thèmes de l’intime, de la féminité, et du malaise de la vie urbaine contemporaine. Elle s’est fait connaître en exposant une œuvre controversée lors de l’exposition « Fuck Off » en 2000 (Galerie Eastlink Shanghai). Il s’agissait d’un rouleau de papier toilette entaché de son sang menstruel présenté à la manière d’une noble peinture à l’encre.
La série « Twelve Flower Months » réunit douze images dans lesquelles Chen Lingyang présente ses parties intimes pendant la menstruation, les associant à chacune des fleurs des mois dans la tradition chinoise. Un « travail », dit Chen, « lié aux lois et au rythme de la nature ». Chaque image est composée d’un format original reprenant les formes des objets traditionnels chinois. Ses organes génitaux, se reflétant sans artifice dans des miroirs antiques, entrent en contraste avec un décor précieux et raffiné. Cette série permet de remettre en question le tabou du sexe féminin et interroge plus largement sur la place des femmes dans la société chinoise patriarcale.
Chen Lingyang, “Seventh month Camelia”, série “Twelve Flower Months, 1999-2000
suite de 12 C-Print numerate 6/8 au dos, 63,5 x 63,5 cm, Est. : 3 500-5 000 euros les douze photos
3. La série « Love in the Age of Big Construction » de Han Bing.
Né en 1974 dans une famille pauvre du JIangsu, Han Bing intègre par ses propres moyens l’Ecole des Beaux Arts de Pékin, où il étudie la peinture. Mais il préfère se mettre en scène nu ou faisant des choses incongrues comme promener un chou chinois lors de la performance « Walking the Cabbage » (2000). Son œuvre est un cri de révolte contre l’inhumanité et la violence de la société contemporaine. « Love in the Age of Big Construction » est une série d’autoportraits réalisée à Pékin durant la destruction des hutongs. On y voit l’artiste contre un bulldozer, symbolisant l’homme contre la machine, l’amour contre la perte, la tradition contre la modernité ou encore l’humanité contre les objets sans âmes.
La vente propose également des œuvres de Zhang Huan, Huang Yan, Qui Zhijie, Dong Dong, Ma Liuming, Wang Keping, Wang Guangyi, des Gao Brothers…
L’HÔTEL DE L’INDUSTRIE
Les enchères se tiendront dans la salle Lumière de l’Hôtel de l’Industrie, lieu chargé d’histoire… où les frères Lumière présentèrent pour la première fois leur cinématographe et offrirent au monde leur tout premier film, « La sortie des usines Lumière ».
« Siège de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, qui l’a fait édifier en 1851, l’Hôtel de l’Industrie a été un des lieux de l’incitation à la modernisation et au développement de l’économie française; il a été aussi un des lieux de la vie politique, sociale, culturelle, ou tout simplement festive, du quartier et de la rive gauche.
La Société ambitionnait de faire de son hôtel un des principaux foyers de l’innovation à Paris, ouvrant ses portes aux chercheurs, invitant les conférenciers les plus prestigieux, n’hésitant pas à organiser démonstrations et expériences. C’est ainsi qu’elle fut un des lieux pionniers de l’électricité dans les années 1880, de l’air comprimé dans les années 1890, et des projections : c’est dans sa grande salle que Louis et Auguste Lumière présentèrent pour la première fois, leur cinématographe, avec le film « la sortie des usines Lumière ».
Des réunions de toutes sortes viendront se tenir dans ses murs comme celles organisées sous le Second Empire par Henri Dunant, de la Société de secours aux blessés militaires, prédécesseur de la Croix-Rouge, jusqu’aux congrès lacaniens du début des années 50 et aux tumultueuses réunions estudiantines des années 60 et 70, en passant par la Ligue des Patriotes de Paul Déroulède dans les années 1880, les premiers pas du Sillon de Marc Sangnier dans les années 1900, et, paraît-il même, après 1870, des concerts de musique wagnérienne, alors honnie sur les scènes publiques.
Cette inscription dans la vie du quartier sera encore plus manifeste après la Seconde Guerre mondiale : en 1947, alors que le quartier était en pleine effervescence intellectuelle, artistique et musicale, la Société acceptera de louer un local avec cave à un groupe de jeunes gens emblématiques de la nouvelle scène culturelle parisienne : Boris Vian, Juliette Gréco, Jean Comparini et Frédéric Chauvelot, avec la caution prestigieuse de Paul Boubal, le patron du Flore, il est vrai.
Le Club Saint-Germain deviendra vite la cave de référence du jazz : les plus grands musiciens américains, comme Duke Ellington viendront se produire lors de soirées mémorables, des artistes français comme Django Reinhardt viendront également y jouer; mais le club ne sera pas uniquement, du moins au départ, un lieu festif: l’organisation de lectures, de débats avec des personnalités comme Orson Welles, la présence d’une galerie de tableaux et d’une librairie, où seront par exemple dédicacés les « Cantilènes en gelée » de Boris Vian. Les projets de création d’un théâtre et d’une salle d’art et d’essai, montrent que le lieu était l’un des centres de cet extraordinaire mélange des modes d’expression, caractéristique de la culture germanopratine de ces années là. »*
*Texte de présentation de l’Hôtel de l’Industrie tiré du site internet de la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale (www.industrienationale.fr)
Commissaire-priseur habilité : Delphine Cheuvreux-Missoffe –
Expert art contemporain asiatique : Pia Copper
Vente le mercredi 7 décembre à 19h
Exposition du samedi 3 décembre au mardi 6 décembre, de 11h à 19h
A l’Hôtel de l’Industrie, 4 Place Saint-Germain-des-Prés, Paris 6e